Les prairies gérées occupent 80 millions d’hectares en Europe, soit 22 % de la superficie de l’EU-25 (EEA, 2005[1]). Elles fournissent une part importante de l’alimentation des 150 millions de bovins et 150 millions d’ovins présents en Europe, soit près de 15 % de la population planétaire de ces animaux. Durant les 20 dernières années, la superficie des prairies permanentes et des pâturages en Europe de l’Ouest a décliné de 12 %, souvent du fait d’une reforestation (EEA, 2005). En France, les prairies représentent environ 20 % de la superficie totale, avec 11 millions d’hectares de prairies permanentes et 3,2 millions d’hectares de prairies semées. De 1970 à 2000, 3,5 millions d'hectares de prairies ont disparu, ce qui représente près du tiers de la surface initiale, alors que la SAU n'a, quant à elle, perdu que 5% (IFEN 2002[2]). De 1992 à 2003, cette tendance s’est poursuivie, la superficie des prairies ayant diminué de 7 %. Les régions laitières sont les plus touchées. Les transferts profitent aux terres arables en pourtour des bassins céréaliers. Mais ces dernières cèdent à la poussée urbaine à proximité des agglomérations (Agreste, 2005[3]). Dans les zones soumises à la déprise agricole, les prairies régressent également au profit de friches et de landes, en voie d'afforestation spontanée. La récente remontée du cours des céréales et l’essor des biocarburants pourraient accroître dans un avenir proche les pressions foncières sur les prairies permanentes.
Les prairies permanentes correspondent soit à des formations primaires (comme dans les alpages ou les zones humides) soit, le plus souvent, à des formations secondaires qui ne sont maintenues au stade herbacé que par le pâturage et la fauche : l’existence même de la prairie dépend donc d’activités d’élevage d’herbivores. Ces activités sont importantes au plan national, puisque 60% des exploitations agricoles professionnelles élèvent des herbivores et que ces exploitations occupent les deux tiers de la superficie agricole nationale. Les fourrages récoltés dans ces exploitations ont la particularité de ne pas avoir de valeur marchande propre, l’essentiel étant auto-consommé en vue de la production de viande ou de lait. La part de l'herbe est très différente selon les systèmes de production : elle atteint près de 95% dans les exploitations conduisant un troupeau allaitant ; elle est beaucoup plus limitée dans les 49 000 exploitations laitières qui produisent la moitié du lait français et 20% de la viande avec des systèmes intensifs (41% de maïs dans la surface fourragère principale, chargement de 1,7 UGB/ha) (Bontron et al. 2001[4]). Le chargement animal total d’herbivores par hectare de surface fourragère principale (SFP) a augmenté de 1988 à 2000 dans la majorité des régions d’élevage, particulièrement dans les bassins de production laitière (Agreste, recensements agricoles 1988 et 2000).
Lorsqu’elles sont pérennes, les prairies présentent un ensemble d’atouts environnementaux et paysagers : elles constituent un bon moyen de lutte contre le ruissellement et les phénomènes associés (érosion et transferts de xénobiotiques) ; gérées par la fauche ou par un pâturage extensif, elles lessivent peu d’azote et contribuent à épurer les eaux de drainage ; leur sol recèle un stock de carbone organique, comparable à celui des forêts, et nettement plus élevé que celui des cultures ; elles peuvent abriter une biodiversité élevée et être un habitat pour des espèces protégées, rares ou emblématiques.
La gestion de cette biodiversité a un impact environnemental qui se superpose à un impact zootechnique, lié au rôle de la diversité floristique pour la valeur alimentaire et la souplesse d’utilisation de la ressource herbagère. Les caractéristiques pédo-climatiques, les structures paysagères et agricoles, ainsi que les modes de gestion, agissent comme autant de filtres qui ne laissent s’exprimer au niveau de la parcelle qu’une partie du pool d’espèces disponibles au niveau régional. Une diversification des gestions et, par conséquent, des habitats peut permettre de concilier productions animales et diversité floristique. La dynamique de la végétation dépend également fortement d’interactions biotiques locales (plante – plante et plante – sol) et d’interactions spatiales à l’échelle de la parcelle (déplacements et choix alimentaires des troupeaux d’herbivores). Dans les situations de déprise agricole, l’enfrichement par des ligneux de surfaces non fauchables pose la question de leur intégration dans les systèmes fourragers. La connaissance de la biologie des ligneux invasifs et des aptitudes des espèces animales à les utiliser constitue la clef d’une maîtrise, qui dépend également des stratégies d’utilisation de l’espace susceptibles d’être mises en œuvre aux échelles complémentaires de l’exploitation agricole et du paysage.
La filière prairie – élevage constitue également un enjeu pour les cycles biogéochimiques et, en particulier, pour l’effet de serre : les prairies peuvent stocker du carbone sous forme organique ; elles sont également source de N2O issu du sol, et de CH4 via la fermentation entérique des ruminants au pâturage. Ces émissions suscitent des interrogations. Ainsi, un récent rapport de la FAO (FAO, 2006[5]) souligne que le secteur de l’élevage génère 18 % des émissions planétaires de gaz à effet de serre, mesurées en équivalents CO2.
Directeur de publication :Jean-François SOUSSANA
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Dernière mise à jour : 12 Novembre 2008
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